NO BORDER : SEPTEMBRE 2010 – LA POLICE DE BRUXELLES CONDAMNÉE A INDEMNISATION ET PREJUDICE MORAL

vendredi 6 mars 2015

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Cinq militant-es No Border ont eu le courage et la détermination de citer l’État et la Zone de police de Bruxelles Capitale-Ixelles devant le Tribunal de première instance. Ce sont leurs arrestations préventives et abusives, menées de manière violente dans un climat de répression généralisée qu’elles-ils ont souhaité voir condamner. Leur cas fut significatif de l’ensemble des arrestations dont ont été victimes de très nombreuses personnes à cette période à Bruxelles. En effet, dans le contexte de la semaine du camp No Border en septembre 2010 il ne faisait pas bon avoir l’air d’un-e participant-e au camp organisé pour réfléchir et dénoncer les politiques capitalistes en ce comprises celles, racistes et européennes à l’égard des migrants.

Tout au long de cette semaine les violences physiques, psychiques, les insultes, les traitements dégradants se sont déroulés de manière révoltante de la part des forces de l’ordre qui avaient pris leurs marques. Partout dans Bruxelles, cavalerie, chiens, policiers en uniforme et en civil se sont déployés abusant de leur droits en arrêtant les personnes soupçonnées par leur tenue vestimentaire, d’appartenir au camp No Border. Ces arrestations ont atteint le chiffre effarant de près de 500 au total. (289 le 29 sept et près de 200 le 01/10 2010).

Bien que les témoignages relatifs à ce que des personnes arrêtées ont subi de la part des forces de l’ordre furent alarmants et abominables, il était fort difficile de les transformer tous en plaintes en bonne et due forme. A l’époque le Légal team et la LDH reçurent des plaintes et témoignages par dizaines mais les procédures pour porter plainte étant très compliquées, la confusion régnant à ce sujet, seules quelques unes ont abouti.

C’est ainsi que 5 militantes allemandes avaient introduit une plainte contre des policiers et leurs agissements qu’elles subirent lors d’une arrestation et au commissariat « Amigo ». Elles avaient été arrêtées lorsqu’elles se baladaient en ville, en-dehors de toute manifestation ou action. Elles-ils avaient été insultées, déshabillées, traitées de manière raciste, humiliées et certains effets dérobés. Menottées, brutalisées devant entendre « Deutschland über alles » et autres menaces. Ces plaintes cependant ne passèrent pas le cap de la Chambre du Conseil, puisque celles-ci a décidé qu’elle ne disposait pas de « suffisamment d’éléments » pour renvoyer les 6 policiers accusés devant le tribunal correctionnel ! Rien donc, pas de suites, seul l’un des policiers a reçu un blâme en raison de la disparition de vêtements ! Et les victimes ont été condamnées à payer les frais de justice...

On le voit, les abus verbaux, psychologiques ou physiques de la part des policiers restent réellement quelque chose de très difficile à faire valoir devant la justice. Bien que les récits étayés des 5 plaignantes étaient particulièrement effrayants d’abomination, aucune sanction pour les policiers délinquants.

Mais vu les délais qui s’étaient déjà écoulés et devant l’absence de victimes qui souhaitaient porter plainte, seul le volet « arrestations abusives » a été retenu. En effet, au-delà des excès du traitement subi avant et pendant l’arrestation, il y a l’arrestation elle-même. C’est bien de cela qu’a traité la citation de l’État et de la zone de Police au tribunal par les cinq militant-es, dont le jugement vient d’être prononcé.

Il s’agit des arrestations qui ont eu lieu le 29 septembre 2010 jour de l’euro-manifestation organisée par les syndicats européens, jour au cours duquel pas moins de 289 personnes ont été privées de leur liberté (arrestations dites préventives) et transférées au Casernes d’Etterbeek (Centre de Rassemblement pour Personnes Arrêtées CRPA). Les personnes furent arrêtées dès le grand matin aux carrefours, sur le trottoir, dans le métro, sur les bancs en mangeant leurs sandwichs, sur le chemin vers le lieu de rassemblement et enfin pendant la manifestation. Ces arrestation préventives arbitraires avaient été prévues par les autorités puisque le CRPA avait été aménagé en vue de celles-ci. Loin d’appliquer la belle théorie de la « gestion négociée de l’espace public » ou encore « d’opérer des arrestations en veillant à laisser l’opinion s’exprimer » ce fut exactement le contraire qui se passa. Les personnes arrêtées et emmenées ont dû attendre de longues, très longues heures avant de se voir libérer, une petite gaufre et beaucoup d’humiliation dans l’estomac…

C’est pour mettre l’État et sa police devant leurs responsabilités que les plaignant-es ont décidé de porter l’affaire en justice. L’énorme majorité des victimes de ces agissements n’ont pu ou voulu aller plus loin. En effet, le traumatisme psychologique ou l’éloignement ou encore le manque de crédit accordé au système judiciaire les ont découragées au fil du temps.

Le verdict est tombé et est intéressant à plusieurs égards

Trois plaignant-es on été arrêté-es dans la station de métro Ribaucourt parmi un trentaine de personnes et chemin vers le point de départ de la manifestation. Les deux autres plaignant-es ont été privées de leur liberté alors qu’elles participaient pacifiquement à la manifestation.

Pour ce qui concerne les arrestations opérées dans le métro, le juge estime que le fait qu’une partie des personnes étaient grimées, apparaît comme un tentative de justification par la police, mais à posteriori de l’arrestation, celle-ci avait d’ailleurs visé tout le groupe, indépendamment d’un éventuel grimage ou non. Il précise en outre qu’il est fréquent que des manifestants choisissent des accoutrements originaux pour retenir l’attention du public, des médias ou donner un côté ludique à la chose. Le principe étant que « l’on doit arrêter les gens pour ce qu’ils font, non pour ce qu’ils sont ». Or, il n’y avait ni perturbation de la tranquillité publique, actuelle ou potentielle lors de l’arrestation, ni infraction.

Le tribunal condamne donc la zone de police à une indemnisation pour ces trois plaignant-es.

Pour ce qui concerne les deux plaignant-es arrêtées lors de la manifestation, le jugement est teinté de compréhension de la part du tribunal. « Le contexte général était instable », il reprend aussi l’argument tant et tant de fois répété, soit la « présence de manifestants cagoulés qui n’était pas de bonne augure. » La police ne pouvait donc pas opérer un tri à ce moment là. Dans les faits cependant, c’est ce que la police a fait, puisque les forces de l’ordre « en civil » déguisés en manifestants cagoulés n’ont pas été arrêtées elles ! Pourtant elles étaient nombreuses. Lorsque ces policiers ont sorti leur matraque télescopique et ont frappé, des habitants aux fenêtres les avaient pris pour des manifestants. Gageons que depuis l’hélicoptère dont les images servent également lors des procès, il ne fut pas possible de distinguer les policiers cagoulés bâtons à la main des vrais manifestant, sans bâtons auxquels ils s’étaient mêlés jusqu’au moment de se lâcher sur eux.

Par ailleurs le tribunal estime que les forces de l’ordre ont pu considérer que la seule solution pour empêcher un trouble imminent de la tranquillité publique était d’organiser des arrestations préventives. Elles ne lui apparaissent pas disproportionnées. Et de conclure qu’il n’y a pas eu d’atteinte illicite à la liberté de se réunir ou manifester.

Les conditions de l’arrestation et de la détention sont elles, prises différemment en compte par le juge. C’est ainsi qu’il précise que le maintien des menottes pendant le transfert ne se justifiait pas sous la simple allusion vague que les personnes avaient un « profil peu collaborant ».

De même, coupant d’ailleurs ici court à une pratique que tentent de justifier les policiers à maintes occasions, il précise que la prise générale de photos n’apparaît pas justifiée. En effet, l’éventuel mélange de « profils » de manifestants ne permet pas de les traiter indistinctement. C’est en vain que les policiers invoquent que les photos étaient destinées uniquement à l’identification, puisque les plaignant-es étaient en possession de leur carte d’identité. Y aurait-il ici une autre raison, telle qu’un fichage européen à grande échelle pour que les états disposent de listes de personnes militantes qui mettent en question les politiques actuelles ?

Le juge rappelle que « la prise de photos de personnes soumises à une brève privation de liberté (…) ne peut se produire qu’en cas de nécessité pour l’identification ou à des fins judiciaires et ne peut donc JAMAIS être entreprise systématiquement ».

Quant à la durée même de l’arrestation il précise que le fait qu’elle puisse durer 12 heures maximum, ne signifie pas qu’elle puisse être maintenue si longtemps sans nécessité. Mais dans le cas présent il indique qu’il n’est pas possible de la caractériser comme une faute compte tenu des circonstances.

Le tribunal condamne la zone de police à un préjudice moral pour les deux plaignant-es.

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